« Niveau bien-être animal »… En gros caractère, dans le coin supérieur gauche, la mention ne laisse aucun doute sur le pourquoi de cette étiquette. Sont ensuite listés les cinq niveaux définis, et à quoi ils correspondent. De A pour supérieur à E pour minimal, en passant par le B de bien, le C d’Assez bien et le D de standard. La catégorie du produit sur lequel l’étiquette est apposée apparaît dans le coin supérieur droit avec, en dessous, un pictogramme qui précise les conditions d’élevage. Parcours arboré, accès à l’extérieur, bâtiment en progrès, en bâtiment…
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Difficile de faire plus clair. C’était le souci premier du Compassion in world farming (CIWF) France, d’ Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) et de la Fondation droit animal (LFDA), les trois associations à l’origine de cette étiquette bien-être animal. Faire « qu’en un coup d’œil, le consommateur puisse avoir des garanties sur le niveau de bien-être animal associé aux produits en rayon », explique Agathe Gignoux, chargée d’affaires publiques au CIWF.
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L’OABA prône le choix raisonné de souches à croissance + lente. Dans le cadre de l’étiquette bien-être animal, le niveau A impose un rythme de croissance lent, le B un rythme intermédiaire à lent, et le C une amélioration en cours. Aucune amélioration pour les D et E.
(…) pic.twitter.com/UEHVsaKkIm— OABA (@OABA_Off) July 29, 2021
Combler un vide dans l’information aux consommateurs
C’est une demande forte des consommateurs, assure-t-elle en s’appuyant sur plusieurs sondages. Notamment une enquête de 2019, réalisée dans sept pays européens par Eurogroup For Animals sur le poulet de chair. 88 % des sondés en France déclaraient vouloir un étiquetage qui les informe sur les standards de bien-être animal selon lesquels les poulets ont été élevés.
Pourtant, parmi les nombreux indicateurs qui ont cours dans la grande distribution, « aucun ne traite de manière spécifique ce sujet, reprend Agathe Gignoux. Certes, des labels comme Label Rouge ou Bio prennent en compte certains aspects, mais mélangés à d’autres critères. » « Et le’ problème des labels est que l’on ne
sait pas ce qu’il y a derrière, ajoute Anaïs Gonzalez, chargée de mission scientifique à l’OABA. La seule manière de connaître les conditions de vie des animaux est de consulter les cahiers des charges, disponibles sur Internet, mais personne ne le fait. Avec l’étiquette, ona l’information rapidement, lors de l´acte d’achat ».
Les poulets de chair, le cas d’école pour commencer
Pour combler ce vide, ces trois ONG, rejointes par le distributeur Casino, planchent, à partir de mai 2017, sur ce projet d’étiquette et sur la liste des critères d’évaluation sur laquelle s’appuieront les audits. Avec l’idée de se limiter, dans un premier temps, aux poulets de chair, dont la consommation augmente en France. Le cas d’école parfait pour commencer. « Sur les 731 millions de poulets élevés et abattus en France chaque année, 80 % le sont dans des systèmes intensifs pour lesquels les enjeux d’amélioration du bien-être animal sont colossaux, justifie Agathe Gignoux. 80 %, c’est beaucoup, mais ça veut dire aussi que des alternatives intéressantes sont développées sur 20 % et qu’elles vont pouvoir être valorisées par cette étiquette. »
En décembre 2018, on y est : les premiers produits étiquetés sont mis en rayon. L’accès à l’extérieur, à la lumière naturelle, l’espace supplémentaire en bâtiment par rapport au minimum réglementaire, le rythme de croissance des poulets, leur durée maximale de transport… En tout, 230 critères sont pris en compte. De la naissance de l’animal à l’abattage. Sont rangés en D et E les produits issus d’élevages qui se contentent du niveau minimum réglementaire européen. Avec quelques améliorations pour le niveau D : par exemple l’engagement à assurer un accès à la lumière naturelle d’ici à fin 2024, ou celui d’accorder 10 % d’espace supplémentaires par rapport au minimum réglementaire. Les 80 % des 731 millions de poulets élevés chaque année en France sont dans ces catégories D ou E.
« Le niveau C est le minimum acceptable pour nous, les ONG, poursuit Anaïs Gonzalez. La densité de poulets par mètre carré y est réduite, ils ont la lumière naturelle, des perchoirs ou objets à piquer… ». Mais pas d’accès à l’extérieur, critère qui est obligatoire pour être étiqueté A ou B.
Des A, des B, des C… mais pas de D et de E
Depuis décembre 2018, le projet a bien grandi. Les quatre acteurs historiques se sont constitués en association, qu’ont rejoint progressivement de nouveaux membres. D’autres ONG de protection animale, comme Welfarm, mais aussi des distributeurs (Agromousquetaires, Carrefour, Lidl, magasins U) ainsi que des producteurs de volailles (Fermiers de Loué, Fermiers du Sud-Ouest, Galliance…).
Si bien que l’on retrouve désormais l’étiquette sur la majorité des produits volaillers issus de la filière poulet de chair française ? Loin de là. Ils manquent toujours des acteurs de poids. « Leclerc et Auchan, par exemple, pour la grande distribution », illustre Agathe Gignoux. Par ailleurs, les distributeurs et producteurs engagés dans la démarche n’étiquettent pas, à ce jour, l’ensemble de leurs produits. « Il n’y a rien à ce jour en catégorie D ou E, indique Anaïs Gonzalez. Ils le justifient par le souci de ne pas pénaliser ces gammes des produits alors qu’une partie de la concurrence n’est pas encore entrée dans cette démarche, mais aussi par la volonté de ne pas culpabiliser les Français au faible pouvoir d’achat, qui n’ont parfois pas d’autres choix que de s’orienter vers ces produits D ou E. »
Bientôt la filière porcine
Cette étiquette bien-être animal se contente donc pour l’instant de valoriser les produits issus d’élevages vertueux sur cet enjeu. Déjà pas si mal ? « Sur les 731 millions de poulets élevés et abattus chaque année en France, 12 % sont aujourd’hui étiquetés, ce qui représente tout de même un volume important », rappelle Agathe Gignoux. L’objectif est d’atteindre 25 % en 2025. Il est aussi de faire en sorte que cette étiquette soit de mieux en mieux connue des consommateurs. Dans une enquête YouGov de juin dernier, 29 % des sondés* disaient déjà la prendre en compte lorsqu’ils font leur course.
Surtout, l’association Etiquette bien-être animal n’entend pas s’arrêter aux poulets de chair. Un travail est en cours depuis un an et demi pour construire un nouveau référentiel technique, cette fois-ci sur la filière porcine, dans laquelle 95 % des animaux sont élevés dans des systèmes intensifs. Autour de la table, il y a notamment la Cooperl (première coopérative porcine française) ainsi que les marques Herta et Fleury Michon, qui ont tous trois rejoint en 2021 l’association. « L’élaboration des critères d’évaluation est l’étape la plus compliquée, assure Agathe Gignoux. Mais nous espérons la terminer d’ici à la fin de l’année, pour de premières applications dès 2022 ».
*1.001 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus
En attendant une étiquette harmonisée au niveau européen ?
Dans le cadre de sa stratégie « De la ferme à la fourchette », la Commission européenne envisage un étiquetage harmonisé, sur cette question du bien-être animal, aux 27 Etats membres de l’UE, et étudie plusieurs hypothèses en ce sens. D’une certaine façon, cette étiquette bien-être animal prend les devants. « Nous aimerions qu’elle soit prise comme modèle en vue de cette harmonisation, confirme Anaïs Gonzalez. Elle intègre en tout cas toutes les recommandations de Bruxelles en la matière, notamment en indiquant à la fois le niveau de bien-être animal et le mode d’élevage, de la naissance à l’abattage. »