De notre envoyé spécial à Tokyo,
Il doit rester une ou deux minutes au chronomètre dans la salle de Yoyogi, et tout le monde a compris depuis longtemps que la France allait compléter son Grand chelem olympique de handball. Le chant familier Qui ne saute pas n’est pas français s’échappe de la tribune juste en dessous. Les garçons, titrés la veille face au Danemark, sont venus au soutien de l’équipe féminine, malgré leurs petits yeux. Quelques secondes plus tard, les deux équipes se répondent comme deux kops d’un stade de foot sur une ola improvisée. Le handball tricolore a déjà connu des jours de gloire, mais à cet instant, il vit ses plus belles heures.
« Je pensais qu’ils seraient en train de dormir »
Les bonnes ondes se diffusaient depuis un moment. « Le village olympique se vide petit à petit alors il s’est construit une vraie solidarité entre tous les sports collectifs », sourit Pauline Coatanea. Solidarité que rien n’a pu ébranler, pas même des garçons gentiment éméchés qui rentrent à point d’heure en faisant un boucan du diable samedi soir, en réveillant certaines. « Je ne m’attendais pas à les voir ici parce que j’ai cru comprendre qu’ils avaient fait la fête, je pensais qu’ils seraient en train de dormir, se marre Grâce Zaadi ». Ils étaient pile à l’heure pourtant, entonnant une Marseillaise à vous soulever les poils, malgré le vide environnant.
🗣 “Je savais qu’on irait au bout”
🇫🇷 🥇 😍 La réaction et les larmes de joie d’Allison Pineau après la victoire des Bleues en finale face aux Russes (30-25) #Tokyo2020 #JeuxOlympiques
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« Moi ça m’a stressée plus qu’autre chose », plaisante Pauletta Foppa, dont la nervosité ne s’est pourtant pas vue sur le terrain, où elle a concassé la défense russe au pivot. « Ils ont fait médaille d’or, je ne me voyais pas du tout faire moins bien. Quand je les ai entendus, je me suis dit ” P… ils sont là “, faut assurer” ». « On les a entendus reprendre notre cri de guerre ” Fermez boutiques “, à partir de là on était lancées », poursuit Coatanea. Grâce Zaadi n’a pas les mots : « C’est tellement beau de voir le handball français comme ça, c’est vraiment l’esprit du hand. »
Un exploit presque sans précédents
Deux équipes championnes olympiques en même temps, un exploit seulement réalisé à deux reprises dans l’histoire, et dans un contexte concurrentiel bien moins exigeant : l’URSS en 1976, la Yougoslavie en 1984. C’est Kentin Mahé qui nous l’apprend avant de partir pour l’aéroport : « Les deux équipes au sommet en même temps, c’est historique. On démontre que le boulot est bien fait ces dernières années. » Bien fait, c’est presque un peu chiche. Deux finales gagnées contre les deux tourmenteurs de Rio en moins de 24 heures, on n’aurait pas tapé dans le Livret A des enfants pour parier.
Et Philippe Bana ? Le président de la Fédération aurait hypothéqué sa maison sans problème. « On n’était pas favoris mais on savait qu’on pouvait faire déjouer les Russes ou les Danois parce qu’on a déjà fait ce chemin quarante fois. Le handball français n’a plus peur, il est au sommet d’une vague de 30 mètres depuis un quart de siècle. Les chausse-trappes, on les a eus, on est tombés, on est remontés, on sait. Pourquoi on va reprendre Olivier Krumbholz chez les filles avant Rio ? C’est parce qu’il connaissait le chemin. »
Le fiasco de Londres avait pourtant provisoirement coûté sa place au manager historique des Bleues, parce que l’équipe de France féminine ne parvenait pas à concrétiser comme les Experts. Depuis, elle a tout gagné, jusqu’à la consécration olympique. « Je suis content pour le doublé, mais encore plus heureux pour elles, souffle Nikola Karabatic, du haut de ses trois titres. On connaît la difficulté de gagner ce premier titre olympique. »
« Le copié-collé des garçons a commencé beaucoup plus tardivement, explique Bana. Mais on l’a vite rattrapé depuis cette deuxième place surprise aux mondiaux 1999. » Cinq millions de budget pour les hommes à l’année, autant pour les dames. « Mêmes prix, même encadrement, mêmes standards, même coût. La parité c’est comme l’excellence, c’est un état d’esprit. »
« L’histoire s’écrit ensemble »
Un état d’esprit qui se lit jusque dans les petits détails du quotidien. « A la base, la Fédération avait mis un slogan à la maison du handball, raconte Méline Nocandy. C’était ” L’histoire s’écrit ensemble “. Et les deux équipes sont championnes olympiques. C’est une telle fierté de représenter la France dans ce sport, je ne sais pas si le handball peut monter plus haut que ça. » On aurait même tendance à penser qu’il a grimpé l’Olympe un peu trop tôt, parce que faire mieux à Paris est devenu impossible en un week-end magique.
Philippe Bana fait non de la tête : « Je dis toujours aux joueurs et aux joueuses quand je les vois en compétition : ” Notre meilleur jour n’est pas encore venu. ” Ces gens-là transportent quelque chose de plus grand qu’eux. Tu l’appelles comme tu veux, mais le meilleur jour de notre histoire, cela peut être gagner en même temps le titre olympique à domicile. C’est mission impossible mais comme ils le font toujours à la fin, on ne sait jamais. » On signe où ?
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