La chanteuse a été filmée lors de sa tournée américaine. Juste avant la diffusion de ce documentaire sur D8, elle partage avec Gala ses émotions et ses envies.
« Lorsqu’on fait de la scène, il n’y a plus que ça, même les jours où on ne chante pas (…) Ça exclut le reste de l’existence. C’est consumant ».. Carla a longtemps eu peur de s’exposer à ce feu. Elle était habituée à la brûlure des flashs et à son contraire, le papier glacé qui crée une distance et protège. Ce lien direct et sans faux-semblant avec le public la trouble et l’émeut. Et pourtant, à l’observer filmée par la caméra du célèbre photographe de mode Michael Williams, lors de sa tournée américaine, on comprend qu’elle n’aime rien tant qu’être saisie par cette flamme. On la voit ainsi chanter du Dalida sur les genoux de Nicolas Sarkozy dans sa loge, avouer qu’elle s’asperge du parfum de son époux pour se donner du courage, partager cette « impression d’être morte les deux heures avant le concert », pour mieux s’attiser et s’amuser follement dès l’entrée en scène. L’artiste a certes parcouru bien du chemin depuis son premier album et ces longs mois pendant lesquels elle avait refusé de se produire dans une salle.
Elle dit avoir trouvé sa voix en prenant de réguliers cours de chant. « La musique est arrivée relativement tard dans sa vie. Elle était déjà riche et célèbre, se souvient le critique musical Bertrand Dicale, qui l’a interviewée pour le documentaire de D8. Mais elle a su imposer un style et une écriture ». En atteste sa collaboration avec des artistes comme Julien Clerc ou plus récemment Christophe Willem sur l’album duquel elle a écrit plusieurs titres dont Le Chagrin. La chanteuse vient aussi de réaliser l’adaptation française de la chanson du nouveau Band Aid de Bob Geldof contre l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. Elle est interprétée par plusieurs vedettes de la chanson française, comme Jean-Louis Aubert ou Renaud. Carla se nourrit de ces rencontres artistiques et griffonne chaque jour des bourgeons de phrase dans son petit carnet, qui ne demandent qu’à éclore en chansons.
Elle n’envisage pas d’autre vie que la sienne, même si elle admet être une mère de famille trop bourgeoise pour se lancer dans des tournées marathon et entraîner dans son sillon ses enfants, Aurélien et Giulia. Son fils a sa vie avec ses copains, se défend-elle, et sa petite dernière vient d’entrer à l’école. Carla sait aussi que le destin politique de son époux, qui vient de rempiler en première ligne à l’UMP, peut entraver sa liberté d’artiste.
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« Si deux personnes ne sont pas venues (à l’un de ses concerts, NDLR) c’est signalé en titre », déplore-t-elle, dans le documentaire de D8, toujours prompte à dénoncer le mélange des genres. Elle sait pourtant que son public a changé au fil des ans. Les ovations que reçoit son mari à chaque fois qu’il vient l’applaudir témoignent de cette évolution. La chanteuse n’en a cure. « Je me fiche de connaître la raison pour laquelle ils sont venus. Ce que je veux c’est qu’ils repartent contents », martèle-t-elle face à l’objectif.
Son duo avec un ex-président déroute parfois en France, mais fascine à l’étranger. Les médias américains se sont délectés de ce conte de fées lors de sa tournée US. Elle n’a pas manqué de leur détailler son coup de foudre lors de la blind date fomentée par Jacques Séguéla et son épouse un soir d’automne 2007. Autant de séquences romanesques qui ont séduit le public américain, « tout comme sa musique à la fois cosmopolite et pourtant si typiquement française », note Bertrand Dicale. Carla prévient, elle ne raccrochera jamais et s’imagine déjà en très vieille chanteuse, comme elle le confie sur D8 : « Si les gens ne viennent pas, je chanterai dans le métro ! » Underground toujours !
Gala : Pourquoi avoir accepté qu’une équipe vous suive sur cette tournée. Quelles sensations vouliez-vous faire partager ?
Carla Bruni : Au moment où on a enregistré mon album live a l’Olympia, on a imaginé, avec Barclay mon label, de réaliser un petit film musical qui accompagnerait sa sortie. L’équipe était très simple, en plus des musiciens et de la technique, et on se sentait comme en famille. Les concerts de New York et de Los Angeles furent des beaux moments de cette tournée et je suis heureuse d’avoir pu en garder une trace. Le temps passé avec Freddy Koala et Daniel Lanois étaient aussi des moments de grâce pour moi. Los Angeles est un lieu magique et constamment créatif pour la musique indépendante aujourd’hui, c’est une ville faite pour la musique et les musiciens.
Gala : Vous dites que la scène est quelque chose de « consumant ». Pourriez-vous désormais vous en passer ? Vous posez toutefois des limites et refusez d’emmener vos enfants en tournée.
C. B. : Je n’aimerais pas arrêter de faire de la scène, c’est tout de même une grande partie de mon métier et j’aime beaucoup ça. Si je n’emmène pas mes enfants en tournée, c’est que j’ai la sensation qu’ils ont besoin d’autre chose et qu’ils n’aimeraient pas forcément m’accompagner sauf exceptionnellement. Ils ont déjà leur vie, au fond.
Gala: Comment gérez-vous l’articulation vie d’artiste-vie de famille, quand travaillez-vous à vos chansons ?
C.B.: Je fais comme beaucoup d’autres femmes dans le même cas, quel que soit leur travail, sauf que j’ai la chance de pouvoir être aidée avec mes enfants, notamment par ma mère qui s’en occupe avec assiduité et par mon mari qui veille sur tout le monde. Je suis partie en tournée le cœur léger de savoir mes enfants choyés et heureux. Je travaille a mes chansons la nuit, lorsque tout le monde dort.
Gala : Quel regard portez-vous sur votre évolution en tant qu’artiste au fil des ans?
C. B. : Je ne sais pas juger mon évolution en tant qu’artiste, il est difficile de se juger soi-même… Ce que je sais, c’est que j’aime écrire, travailler, composer, chanter, j’aime essayer de tisser quelque chose. Je continue de travailler chaque jour, je peaufine les textes, la musique ou la voix, je ne pourrais pas faire un autre métier que celui-là .
Gala: Vous avez pris des cours de chant? À quel rythme?
C.B.: Pour la voix, c’est vrai, j’ai suivi beaucoup de cours et ce n’est pas fini! Je suis loin de savoir chanter comme j’aimerais le faire.
Gala: Certains critiques musicaux jugent vos textes plus « anguleux » qu’auparavant. Comment l’expliquez-vous ?
C.B: Je ne sais pas si mes textes sont plus « anguleux » mais je sais que la vie parfois nous secoue, elle n’a pas que des pentes douces
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