Gareth Thomas : rugbyman, homo et heureux

Il représentait la virilité et la force, le courage et la puissance. Il était pourtant si mal dans sa peau. À 41 ans, l’ex capitaine de l’équipe de Galles de rugby et joueur du Stade Toulousain vient de publier une autobiographie (« Fier » ed. Michel Lafon) dans laquelle il raconte comment le secret de son homosexualité lui a bousillé sa vie. Tentatives de suicide, mensonges permanents, alcoolisme, mariage raté avec Jemma (la seule femme de sa vie) ne lui ont tout de même pas empêché de devenir l’un des meilleurs joueurs du XV des Dragons rouges. Un récit poignant, où l’arrière gallois livre ses pires et meilleurs souvenirs.

Gareth Thomas découvre son homosexualité à l’adolescence mais n’a de cesse de cacher ce qui lui semble insupportable. Pour un rugbyman, pense-t-il, impossible d’être homo ! Luttant contre sa personnalité profonde, il sombre dans l’alcool, se bagarre dans les bars et tente malgré tout le mariage avec Jemma, une jeune femme rencontré à l’âge de 21 ans. Rongé par la culpabilité, le malaise, le mensonge, il finit par divorcer et fait son coming out dans les pages du quotidien britannique Daily Mail en 2009. Depuis, malgré encore quelques insultes (rares), l’homme a découvert l’affection du public – et celle du prince William ! – et l’amitié indestructible de ses coéquipiers. Le gentil tatoué vit à présent au pays de Galles, dans son village natal, avec Ian, son compagnon, et leurs deux Setters Gordon. Dans son livre (« Fier » ed. Michel Lafon), il raconte son chemin parcouru depuis son emploi de facteur au pays de Galles jusqu’aux fêtes chez Elton John en passant par le mariage du prince William et de Kate. Quelle vie !

Gala : De tous vos combats, quelle a été votre plus belle victoire ?

Gareth Thomas : En tant que rugbyman gallois, à chaque fois que j’ai gagné contre l’Angleterre, c’était une belle victoire (rires) ! Mais ma plus grande victoire dans la vie c’est la possibilité d’être moi-même. Enfin. J’avais l’habitude de m’asseoir et de regarder les gens en me disant que j’adorerais être n’importe quelle autre personne. Probablement les gens se disaient qu’ils aimeraient bien être à ma place aussi, capitaine de l’équipe de rugby du pays de Galles. S’ils savaient combien je souffrais… Maintenant, je suis bien dans ma peau et cela n’a pas de prix. Mais il a fallu que j’accepte mon homosexualité, que je l’annonce, que je l’assume publiquement.

Gala : On a deux vies, la deuxième commence quand on s’aperçoit qu’on en a qu’une…

Gareth Thomas : Je savais que je n’avais qu’une vie mais je n’arrivais pas à vivre avec. C’était un combat bien plus difficile qu’un match de rugby. Physiquement, on peut se préparer, mais mentalement, c’est difficile d’être fort.

Gala : Avez-vous trouvé de l’aide auprès de la psychanalyse ?

Gareth Thomas : Non. Je suis fier d’avoir trouvé par moi-même les solutions à mes problèmes. De toute façon, il aurait fallu que je sois honnête avec quelqu’un et je n’en étais pas capable. Je mentais à tout le monde. J’ai le courage maintenant de tout traverser.

Gala : Quelles relations entretenez-vous avec Jemma, votre ex épouse ?

Gareth Thomas : Elle s’est remariée, elle a un enfant. Elle vit à Londres. On sera toujours liés tous les deux. Je suis heureux qu’elle soit heureuse.

Gala : Pourquoi êtes-vous le seul rugbyman homo ?

Gareth Thomas : Le rugby est un monde macho. Les gens pensent que c’est une discipline à l’opposé du monde gay. Du sang, des chocs, de la boue, tout cela est bien loin des clichés homos. D’autre part, quand on joue en équipe, on a envie d’être comme les copains, de constituer un groupe uniforme. Alors on cache sa différence. Du coup, personne encore n’a fait son coming out. Officiellement, je suis toujours le seul joueur pro de rugby gay au monde. Mais en lisant les lettres que j’ai reçues, j’ai réalisé que le monde du rugby amateur était bien plus ouvert que le monde professionnel.

Gala : Que pensez-vous du calendrier des Dieux du Stade ?

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Gareth Thomas : C’est très homo érotique ! Grâce à Max Guazzini, tout cela est vécu comme une comédie, un spectacle, avec beaucoup d’humour. C’est très subtil et intelligent. Ce sont des hétéros qui s’amusent à s’ouvrir au monde homo, ils sont à l’aise avec ça. Cela ne les définit pas. Paris est une formidable équipe.

Gala : Vous avez rencontré le prince William à Wellington lors d’une tournée du pays de Galles en Nouvelle –Zélande. Depuis, il vous a invité à son mariage. Vous a-t-il parlé de votre différence ?

Gareth Thomas : La première fois que j’ai rencontré le prince William, je n’avais pas annoncé officiellement mon homosexualité. Le prince était l’ambassadeur de l’équipe de Galles, on était en Nouvelle-Zélande lors d’une tournée et il nous a proposé de boire un café. On a discuté, je jurais comme un charretier par habitude, mais cela le faisait rire, il est un type normal vous savez. Il m’appelait par mon surnom « Alfie », comme les copains de l’équipe. C’était un moment très spécial. Plus tard, quand on s’est revus après mon coming out, il n’a pas eu besoin d’en parler. Parce que ce n’était pas un problème pour lui. On devrait tous être comme lui.

Ensuite, il m’a invité à son mariage. Je n’en revenais pas. Je me suis dit que c’était vraiment surréaliste : juste avant que la reine n’entre dans Westminster Abbaye, les trompettes ont résonné sur le balcon, il y avait des costumes formidables, comme dans un film. Et puis soudainement, la famille royale est entrée. C’était magique. Surtout pour quelqu’un comme moi, qui vient du fin fond du pays de Galles. Dehors, il y avait des milliers de gens et j’étais parmi les invités, assis au mariage royal ! C’était fou. J’étais là parce que je m’étais fait un ami, au delà de sa royauté, de sa stature internationale.

Gala : Ensuite, vous avez participé aux émissions Dancing on Ice et Big Brother en Angleterre. La BBC vous a engagé pour tourner des documentaires. Vous attendiez-vous à cela ?

Gareth Thomas : Pas du tout. Mais je garde les pieds sur terre. Deux fois par semaine je travaille avec les enfants sur les thèmes du rugby, l’égalité, la diversité, au pays de Galles et à Londres. Plus je fais des choses, plus j’envoie de messages positifs. Même Big Brother, c’était une belle expérience. Les gens ont entendu mon histoire, ils ont découvert mes faiblesses, mes forces. Le rugby restera ma première passion, mais je voulais montrer que je pouvais faire plein d’autres choses. Je ne suis pas schizophrène en réalisant tout cela. Je l’étais avant de faire mon coming out. À présent, je suis toujours moi-même, quoi que je fasse.

Gala : Quel souvenir gardez-vous de votre passage à Toulouse ?

Gareth Thomas : C’est une partie très importante de ma vie. Le Stade Toulousain est le plus grand club que je connaisse. La ville, ses habitants et le club ne font qu’un. C’est un honneur de jouer là-bas. J’ai encore des contacts avec Vincent Clerc, Thierry Dussautoir, Clément Poitrenaud, Grégory Lamboley. Je vérifie qu’ils vont bien !

Gala : Comment vivez-vous aujourd’hui ?

Gareth Thomas :J’habite au pays de Galles, dans une ferme, avec mon compagnon Ian et nos deux chiens setter gordon, Amber et Ebony. Quand on a acheté la maison, on a vérifié qu’aucun réseau de téléphone ne pouvait passer ! On ne veut pas être dérangés. On a juste une ligne fixe que peu de gens connaissent. Pas de mails, rien ! Parce que le reste du temps, je voyage beaucoup, partout dans le monde. Je commente des matches pour la télé, je travaille dans les écoles. Je n’arrête pas.

Gala : À quand le mariage ?

Gareth Thomas : Cela arrivera probablement mais pas tout de suite. Je suis trop occupé. On y pensera quand on sera au calme. Pour moi, la vie n’a jamais été aussi appréciable qu’aujourd’hui. Quand tout va, il ne faut rien changer !

Crédits photos : Justin Goff