Louis Chedid nommé en famille aux dernières Victoires de la musique sort un recueil de nouvelles, Des vies et des poussières (éd. Calmann-Lévy). Pour l’occasion il se replonge pour nous dans ses jeunes années.
Né au Liban, arrivé tout petit à Paris, j’ai vécu une enfance des plus classiques avec ma sœur, Michèle, de trois ans ma cadette, aujourd’hui peintre renommé. Habitant dans le quartier Saint-Sulpice, mes parents m’avaient inscrit, en primaire, à l’Institut catholique Bossuet. L’autorité y allait de pair avec une éducation stricte. Punitions et baffes pleuvaient à la moindre incartade. Dire que j’appréciais, pas vraiment.
J’enviais ma maman, Andrée, qui après le petit déjeuner en famille regagnait son lit pour écrire et lire en paix. Je savais qu’elle exerçait un drôle de métier, écrivain, très différent de ceux des autres parents d’élèves et de celui de papa, scientifique renommé, directeur du CNRS et professeur à l’Institut Pasteur. La seule chose que je comprenais, c’est que maman était libre, sans horaires imposés, sans chef. Je n’imaginais pas un autre avenir.
Mais il fallait en passer par l’école, par les enseignants sévères. Je me rappelle qu’après une broutille, en CM2, j’avais 10 ans, mon instituteur m’a lancé: Si nous étions éternels, l’imaginaire de l’humanité serait limité. Le fait de savoir que tout a une fin, sans connaître ses circonstances change la donne. Et puis, pour moi, oriental d’origine, la mort n’a rien de sombre. Je devrais remercier cet instit car je crois qu’inconsciemment il a inspiré certaines des nouvelles de mon dernier livre, Des vies et des poussières.
Finalement, je suis devenu artiste, écrivain. J’ai commencé en gribouillant des bouts de textes, en jetant des idées sur le papier. De fil en aiguille, accompagné de ma guitare, j’ai composé quelques chansons. Sans perdre mon objectif premier: publier des romans. Il faut avouer qu’enfant et adolescent lunaires, timide, enfermé dans ma bulle, je me réfugiais dans les livres. Même en vacances, à Bouc-Bel-Air, près d’Aix-en-Provence où nous possédions une petite maison. En Provence comme à Paris, je puisais, sans censure aucune, dans la bibliothèque familiale. Je dévorais des centaines de chapitres. Je me souviens de mon premier choc littéraire, L’avocat du diable de Morris West, contant l’histoire de l’éventuelle béatification d’un prêtre calabrais, Giacomo Nerone. Cet appétit de lecture m’a nourri et m’a sans doute permis de décrocher mon bac avec mention bien alors que j’étais un bien piètre lycéen à Montaigne près du jardin du Luxembourg.
Avec la musique, l’écriture est mon moteur. J’ai compris ses contraintes, appris que ce n’était pas un métier de fainéant, pardon maman d’avoir cru, gamin, que tu paressais. J’écris en permanence. C’est d’ailleurs pendant la tournée à travers la France avec mes enfants, Matthieu, Anna et Joseph, que dans le bus, dans les hôtels, j’ai commencé mon recueil de nouvelles, un genre que j’affectionne, peu couru en France. Une suite de saynètes, de morceaux de vie.
Propos recueillis par Anne-Marie Cattelain Le Dû
Crédits photos : getty images
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